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Voici votre diplôme de grade dans un Art Martial pratiqué au Kwang Myung Dojang, mais de quoi s’agit-il vraiment ?
«Art Martial» est un terme utilisé en occident depuis le siècle dernier et particulièrement depuis la 2ème guerre mondiale, surtout via les jeux (?) olympiques. Mais qui sait ce que recouvre ce terme précisement ? Je n'ai pas la prétention de donner une réponse ferme et définitive, mais d'apporter à l'étudiant(e) sincère des éléments pour une pratique authentique et riche tout au long de sa vie. Lorsque vous serez au 1er niveau de la ceinture noire (3 à 4 ans pour cela), ce texte sera plus clair pour vous, relisez-le souvent car les niveaux de compréhension sont multiples.
Premièrement, «Art Martial» renvoie quasi automatiquement aux disciplines asiatiques, bien que l'histoire Française et d'Europe soient riches de traditions guerrières (à mains nues, avec armes, contre un ou plusieurs adversaires, etc...) qui mériteraient d'être plus diffusées, mais comme fondateur du "Centre des Arts Martiaux Coréens", je ferme la parenthèse et ne développerait pas ce point.
Ensuite Martial fait évidemment référence à la guerre (du dieu romain "Mars"), pourtant les cours sont ouverts aux enfants (dès 4 ans!!) et nos méthodes d'enseignement sont éloignées de celles des militaires. Pourquoi ?
En Corée (via la Chine qui domine culturellement l'Asie depuis des siècles), il n'existe pas de dieu "mars" et le terme utilisé est "mu". Ce terme s'écrit avec 2 kanji (idéogrammes chinois) au sens littéral de "arrêter la lance". On est donc loin de Mars qui dépeçait ses victimes pour se recouvrir de leur peau (bien que cela soit certainement à lire au niveau symbolique). "Mu" signifie donc stopper le combat. Soit par la dissuasion, soit en maîtrisant l'ennemi soit.... ne soyons pas naïf, en le tuant (voir pire...). Toutefois "arrêter la lance" offre une interprétation plus large que celle de "martial".
Le 2ème terme est "sul" qui veut dire, technique / science / méthode. Les Coréens parlent donc de "musul", soit littéralement "méthode pour arrêter la lance". L'étude et la pratique du "musul" reste réservée à une caste de guerriers, surdoués et triés sur le volet. On est encore loin des cours du KMDojang !
En période de paix, cette notion s'est élargie et a vu l'apparition de "muye". Ye étant l'aspect culturel et artistique. Ainsi tuer l'ennemi d'accord, mais le lien doit être fait avec divers éléments culturels : traditions nationales, habits traditionnels et des techniques de combat agrémentées de phases symboliques ou rappelant l'esprit, l'histoire de la nation.
Plus de changements arriveront encore, non avec les périodes de stabilité relatives, mais avec la technologie moderne. En effet à la fin du 19ème siècle, face aux armes à feu des occidentaux les méthodes à mains nues ou armes blanches (sabre) des asiatiques paraissaient désuètes (cf révolte des boxeurs). Alors, pour éviter que ces arts ne meurent, arriva la transformation radicale en "mudo". "Do" signifie la "voie" c'est à dire l'expérience, le cheminement sur une voie unique à chaque être humain, et pourtant universelle, pour sa réalisation personnelle et spirituelle. De ce fait le "mudo" est ouvert à tous ! En effet, quelque soit son âge, sexe, religion, nous sommes tous en train de vivre des expériences jours après jours sur Terre et les questions "Quelle est ma place ? Quelle est ma voie ? Comment dois-je agir ?" se posent constamment. C'est donc à cette période que, progressivement, l'Art Martial s'ouvre à toutes et à tous.
Arrive enfin l'ultime et majeure modification de fond, post guerre, avec les formules sportives inventées pour les jeux olympiques (projet politique et prestige national obligent). On passe donc d'une méthode ancestrale visant à la défense d'une nation / clan / famille / individu, avec ses secrets jalousement gardés, à la compétition sportive (médaille, haut-niveau et... sécurité) tout en mettant en avant l'aspect ludique (jeux) et le spectacle pour satisfaire à l'audimat télévisuel. Pour comprendre les transformations techniques induites, consultez : kyusho44.com --> kyusho-jitsu --> historique.
Ce retour historique permets d'expliquer la pédagogie des clubs dit "d'Arts Martiaux" aujourd'hui. Une pratique qui a profondément changée mais... qui porte toujours le même nom ! Voir le "(?)" du début... Comment donc concilier "guerre/mort/élitisme" et "jeu/sécurité/ouverture" ? C'est très simple, il a juste suffit de continuer à employer les mêmes mots : "Art" et "Martial", qui sont pourtant antinomiques à notre pratique rattachée aux ministère des «sports» (et qui relève donc du jeu). La fédération mondiale de taekwondo - WTF - a facilement trouver comment résoudre le paradoxe avec sa formule mixte : "Taekwondo, Martial Art Sport". CQFD. Mais c'est bien grâce et uniquement grâce aux fédérations sportives modernes que ces sports (du coup...) ont pu être diffusées dans le monde à des personnes comme vous et moi. Et c'est aussi un travail exceptionnel d'adaptation et de réflexion pour produire ces formes modernes de pratiques, en totale adéquation avec leur temps. Ceci dit... pas toujours simple de savoir de quoi on parle !
Le credo du KMDojang est d'affirmer que les bénéfices profonds de la pratique se trouvent dans l’Art martial et non dans le sport et qu’il est impératif que chaque étudiant(e) ait le désir de comprendre le coeur du système et d'en rechercher les origines, le sens profond. Certes, au début les attentes sont variées : self-défense, remise en forme ou développement de ses aptitudes, lieu convivial, résultats sportifs, anti-stress, ... mais l'Art Martial "vrai" réponds d'un coup à toutes ces attentes et va bien au delà, car c'est une quête de la Vie. Ceci n'est pas juste une abstraction de l'esprit, mais par une volonté de recherche de vérité, de remise en question sur le sens et l'origine de l'art et un abandon sincère et régulier dans l'entraînement, alors la découverte de soi et de son potentiel humain devient une réalité. Etre vivant, être vivant longtemps, en bonne santé et... heureux, quatre leitmotiv des Arts Martiaux au KMDojang.
Etre vivant : l'Art Martial nous impose une vision très binaire : mort ou vivant. Ceci impose de faire le choix juste au moment juste même dans une situation de conflit extrême. Cela implique une connaissance profonde des principes et applications possibles des techniques étudiées. A terme, ceci implique également de faire face à ce grand inconnu : soit-même. Car c'est uniquement au pied du mur que l'homme se révèle. Notre pratique doit se faire avec un esprit libre de tout dogme, afin de se libérer des schémas limitants qui obscurcissent notre vision. C'est le bon sens conjugué à l'intuition qui nous le permet.
Etre vivant longtemps : la longévité est ici synonyme de souplesse et de hauteur. Laisser couler sur soi les aléas de la vie. L'Art Martial nous rappelle que l'homme est le seul mammifère prêt à mourir pour deux choses qu'il n'avait pas à la naissance : de l'argent et un ego. Il nous reste à prendre de la distance et tomber les masques, comme un acteur qui joue son rôle et qui est toujours vivant même quand son personnage est mort.
En bonne santé : une longue vie de... souffrance et de mal-être ? L'Art Martial distingue le vrai du faux, la feinte de l'attaque, le vivant du mort et fait le choix juste dans le combat et par extension dans la vie de tous les jours. Le risque de mort par balle ou arme blanche existe encore mais est faible. Or, dans beaucoup d'autres domaines de la vie moderne le danger immédiat pour notre santé physique et psychique est réel (alimentation, pollution, médicament, média, système de croyance, stress divers, ...). L'étudiant(e) doit chercher à comprendre le coeur de chaque système et faire ses choix en conscience. C'est souvent là aussi, le bon sens conjugué à l'intuition qui nous le permet.
Heureux : comprendre le "Do" (la Voie) c'est avoir trouvé sa place dans l'univers. Celle où l'on se réalise pleinement sans ne léser personne. Un sentiment de communion et d'unité dont je ne peux pas encore vous parler. Ce moment où la dualité cède la place, où les apparences tombent, et où le monde "tel qu'il est" doit nous apparaître. Alors nous retournons en conscience dans le "Taegeuk"... que nous n'avions en fait jamais quitté.
Pour commencer, je vous délivre les trois grands secrets des Arts Martiaux : "s'entraîner". "s'entraîner encore". "s'entraîner toujours". Je souhaite à tous mes étudiant(e)s une pratique régulière, riche, authentique, sincère car je la sait libératrice. Shi-jak !
LEHUBY Olivier,
Kwang Myung Dojang Sabomnim.
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